Communication responsable : un enjeu de démocratie

démocratie et communication responsable

 

Dans un contexte de mondialisation de l’information et de la communication, alors que les connaissances et les actualités n’ont jamais été aussi facilement accessibles, l’opinion publique est en réalité de plus en plus malléable et manipulable. Quelques puissants acteurs économiques comme les GAFAM 1, grâce à leur maîtrise des technologies, ont démontré avoir une influence notable sur la démocratie. 

Les dérives d’une information de masse gouvernée par une minorité d’acteurs posent une question éthique majeure. Où commence la manipulation de l’opinion publique ? 

Dans cet article, nous voulons d’abord définir ce qu’est la communication et la démocratie. Ensuite, présenter quelques enjeux éthiques comme les dérives des réseaux sociaux ou du marketing sur la démocratie. Enfin, nous faisons le lien avec la communication responsable. 

Communication et démocratie : de quoi parle-t-on ?

La communication, c’est d’abord la relation à l’autre ! L’acte de communiquer sert à interagir avec autrui et à transmettre une information à une audience déterminée.

“On distingue la communication interpersonnelle, la communication de groupe et la communication de masse, c’est-à-dire de l’ensemble des moyens et techniques permettant la diffusion du message d’une organisation sociale auprès d’une large audience.” 2

Chez Yes for Comm, ce qui nous intéresse est le concept de communication responsable, qui s’oppose en partie à la communication de masse. Dans notre livre blanc, nous avons esquissé une définition de la communication responsable : 

“Une communication plus authentique dans ses messages et les valeurs portées par la structure (entreprise, association, institution publique) qui se distingue par sa qualité avant toute chose. Plus réfléchie, plus raisonnée, plus proportionnée. Également, qui s’intéresse à l’impact qu’elle engendre, notamment social et environnemental, et à l’aspect éthique et moral de ses messages.” 3   

La démocratie, quant à elle, se définit comme une forme de régime politique qui reconnaît la souveraineté à l’ensemble des citoyens, directement par des élections ou indirectement par des représentants élus. Elle exige la reconnaissance des libertés fondamentales telles que la liberté de conscience, la liberté d’expression, la liberté d’association et la liberté de la presse entre autres. “Juridiquement, une démocratie s’inscrit dans un État de droit ; culturellement, elle nécessite une acceptation de la diversité.” 4

Le lien entre la communication et la démocratie ?

Le domaine de la communication connaît des dérives qui peuvent nuire au principe de souveraineté et aux libertés fondamentales. Notamment car la communication est de plus en plus une communication digitale de masse, elle pose la question de la gouvernance : sommes-nous gouvernés par les géants du digital, acteurs économiques qui ne répondent à aucun code déontologique ? Les manipulations en particulier cognitives liées aux algorithmes, aux réseaux sociaux ou à l’humain augmenté remettent en question notre libre arbitre. 

En revanche, la communication ne se réduit pas à ces dérives. Selon Dominique Wolton, chercheur au CNRS : “L’information, c’est le message. La communication, c’est la relation.” Il étudie les conséquences politiques et culturelles de la mondialisation de l’information et de la communication, un des enjeux politiques majeurs du 21e siècle. 5

Quelles questions éthiques cela pose-t-il ?

1. Les réseaux sociaux ne sont pas soumis à des règles déontologiques 

Ils relaient l’information et sont populairement comparés aux médias traditionnels, or ils ne sont pas soumis à des règles déontologiques. Ce sont des entreprises privées, américaines pour la plupart, dont les référentiels économiques et culturels sont éloignés des modèles européens, particulièrement en termes de conception de la liberté d’expression et de la protection des données personnelles. Leurs modèles économiques également, sont fondés sur l’économie de l’attention : “qui traite de l’attention et de son contrôle comme d’une ressource rare. (…) La ressource rare devient le temps et l’attention des consommateurs.” 6

De plus, l’information est transmise à l’aide d’algorithmes qui, comme l’a évoqué Tristan Harris (ancien ingénieur de Google) agissent par des biais cognitifs sur le cerveau humain 7. Conçus pour nous proposer de l’information qui répond à nos centres d’intérêt : l’information proposée est alors orientée et empêche les débats contradictoires. Cela altère notre liberté. 

Comment se forger une opinion ouverte et critique lorsque l’on se trouve enfermé dans une masse de contenus orientés ? Lorsque les citoyens s’inscrivent sur les réseaux sociaux, leur consentement est-il réellement libre et éclairé ? 

En 2015, Anas Modamani a attaqué Facebook en justice suite à un selfie qu’il avait posté avec Angela Merkel et qui lui a valu de nombreuses accusations notamment terroristes. Selon le juge : “Facebook ne peut être tenu responsable des inepties colportées par les utilisateurs”. Cependant quelques semaines plus tard, le Parlement allemand a voté une loi sur le contrôle des réseaux sociaux. Si les plateformes web ne suppriment pas dans les 24 heures les contenus signalés comme illégaux, elles peuvent être condamnées à payer des amendes. 8

2. Le marketing peut influencer et manipuler les résultats d’élections politiques

Le scandale Facebook-Cambridge Analytica est un exemple pertinent 9

Il renvoie à la fuite de données personnelles de 87 millions d’utilisateurs Facebook que la société Cambridge Analytica a commencé à exploiter à partir du début de l’année 2014. Elles ont servi à influencer les intentions de vote dans l’élection de Donald Trump et dans la campagne pour le Brexit. Brittany Kaiser, ancienne salariée du cabinet, prévient : “notre démocratie est menacée”. Elle vient de publier « L’Affaire Cambridge Analytica », elle raconte comment l’agence de marketing digital a créé des publicités ayant des buts délibérément politiques. Selon elle, les citoyens ne sont plus protégés contre la manipulation de masse. 

Elle raconte notamment que l’un des objectifs de Cambridge Analytica était de créer des messages sponsorisés centrés sur la peur, visibles uniquement par des personnes instables émotionnellement et qui prendraient des décisions électorales rapides. Parallèlement, l’agence publiait des messages pour inciter les électeurs défavorables à Donald Trump à ne pas voter et à se retirer du processus politique. 10

Brittany Kaiser est à l’initiative des comptes Twitter @HindsightFiles @OwnYourDataNow. Le premier indique : “Les démocraties du monde entier sont mises aux enchères au plus offrant. Nous publions les documents qui expliquent comment.”

Alors qu’avec un média traditionnel comme la télévision où le temps de parole de chaque candidat à une élection politique est strictement égal, les réseaux sociaux ne donnent pas l’opportunité d’entendre les arguments de chacun et de faire un choix libre et éclairé en conséquence. Avec ce modèle, celui qui a le plus de chances de gagner est celui qui a le plus d’argent à dépenser en publicité, dans un contexte où les citoyens manquent d’éducation sur les composantes de la démocratie et de la vie politique. 

Communication responsable et démocratie

La communication responsable propose avant tout de communiquer avec une vision du monde centrée sur l’humain et l’impact positif que nos activités peuvent engendrer d’un point de vue social ou environnemental. Les relations humaines ne se substituent pas à des rapports virtuels bien que ceux-ci aient prouvé leur efficacité aujourd’hui. Si nous voulons sortir de la dépendance aux GAFAM, nous devons prendre conscience que notre utilisation de leurs services est parfois incohérente et peut être évitée. 

L’utilisation des réseaux sociaux peut être modérée dans une logique de cohérence et de sobriété : la communication responsable agit en faveur d’un consentement libre et éclairé de ses utilisateurs. En tant qu’entreprise ou association, nous avons la responsabilité d’informer nos utilisateurs sur la manière dont nous utilisons leurs données et le modèle économique auxquels ils participent notamment en utilisant des services « gratuits ». 

Proportionner les objectifs avec les moyens semble être indispensable : il n’est pas nécessaire d’entrer dans une ère de communication de masse pour faire de la communication. Une stratégie et un plan de communication ciblés sur les objectifs à atteindre permettent de communiquer moins mais mieux, c’est-à-dire plus efficacement.

Vous voulez des conseils personnalisés pour une communication plus responsable ? Contactez Coralie, fondatrice de Yes for Comm ! 

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Découvrez également notre article : “Communication responsable : vers une écologie de l’attention !”, complémentaire à ces réflexions. 

Notes de bas de page :

  1. Acronyme pour désigner les géants du web : Google, Apple, Facebook, Amazon, et Microsoft
  2. https://fr.wikipedia.org/wiki/Communication
  3. https://yesforcomm.com/livre-blanc-communication-responsable/
  4. https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMDictionnaire?iddictionnaire=1487
  5. https://www.wolton.cnrs.fr
  6. https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89conomie_de_l%27attention
  7. Derrière nos écrans de fumée : https://www.netflix.com/fr/title/81254224
  8. https://www.franceinter.fr/emissions/l-effet-domino/l-effet-domino-29-juin-2019
  9. Documentaire The Great Hack : https://www.netflix.com/fr/title/80117542
  10. https://www.france24.com/fr/20200203-notre-démocratie-est-menacée-prévient-brittany-kaiser-ex-salariée-de-cambridge-analytica 

Autres ressources : 

– La fabrique du mensonge : https://www.france.tv/france-5/la-fabrique-du-mensonge/ 

– Outil : Dégooglisons internet https://degooglisons-internet.org/fr/