ESS et résilience économique : Quel rôle pour la communication responsable ?

résilience économique

L’ESS, troisième voie indispensable dans un monde en perpétuelle mutation ?

Selon la Chambre Française de l’ESS (ESS France), « 14.9% de l’emploi privé est de l’ESS », représentant 10% du Produit Intérieur Brut.

« L’économie sociale et solidaire (ESS) est un modèle économique au fonctionnement collectif et à la gouvernance démocratique. Orienté par une éthique qui place l’homme plutôt que le profit au centre de son fonctionnement, ce type d’économie constitue un tiers secteur, entre le public et le privé. Son objectif premier n’est pas tant lucratif que guidé par un projet social, ou encore environnemental. »[1]

Pour Yes for Comm, l’ESS représente une troisième voie, à mi-chemin entre le public et le privé, entre le lucratif et le non-lucratif. Les acteurs de ce modèle sont en constante recherche d’une nouvelle façon de faire l’économie. Des innov’acteurs, si l’on peut dire. Il s’agit non plus de faire de l’économie une finalité, mais bien de s’en servir comme levier pour lutter contre le changement climatique par des actions de terrain, mais aussi contre les inégalités sociales auxquelles nous sommes particulièrement sensibles dans notre agence.

Dans les faits, de manière générale, chacun.e de nous fait l’expérience de l’ESS tous les jours :

–          elle permet de donner du sens, en réfléchissant différemment à nos modes de consommation, en favorisant les circuits courts, à d’autres façons de voyager (co-voiturage, surf couching, woofing…)

–          elle se met au service de l’Humain (et plus largement du Vivant), offrant des espaces d’expression et de solidarité citoyens uniques, à travers des travaux associatifs,

–          elle se tourne vers la préservation de l’environnement, en encourageant les travaux d’ONG, en nous rendant vigilants à notre consommation d’énergie, ou en devenant actionnaire d’une banque éthique par exemple,

–          elle s’appuie sur l’intelligence collective en mettant en lumière des modèles économiques viables sous forme de SCOP ou de SCIC, ou en partageant, troquant ou louant des biens ou des services dans le cadre de l’économie collaborative,

–          elle se renforce dans les actions locales, en relocalisant des activités, en fournissant de l’emploi de proximité et fait passer la notion d’usage avant celle de propriété, se rattachant aux principes de l’économie de la fonctionnalité.

La crise sanitaire récente a renforcé l’envie de tisser des liens, de se rencontrer « en vrai », de faire travailler un réseau de qualité.

Il est intéressant de revenir sur les propos tenus dans l’ouvrage d’Antoine Morlighem publié par Décisions Durables en 2014, intitulé Le nouvel art des co et dont le sous-titre nous revient tel un boomerang : « covoiturage, crowdfunding, amap, fablabs… comment et pourquoi vous y viendrez » !

L’introduction de l’ouvrage dresse un constat autour de 5 révolutions : cela vous dira forcément quelque chose !

–          la révolution technologique, avec le web 2.0 où chaque individu dispose d’un pouvoir d’expression beaucoup plus viral qu’auparavant. « Ce renversement est une remise en cause radicale, trop souvent sous-estimée, de la structure historique de nos sociétés et du pouvoir qui les régit. »

Il est également question des réseaux sociaux et des sites peer-to-peer, transformant Internet en place de marché planétaire.

–          La révolution sociétale, qui implique de nouveaux rapports de force vis-à-vis du pouvoir établi, l’avènement de l’économie du partage grâce à la dématérialisation et l’importance des communautés dans un monde globalisé où « le virtuel se met peu à peu au service du réel. »

–          La révolution économique. Celle qui nous intéresse le plus et qui se combine aux 4 autres. Ici, l’auteur met en exergue un système à bout de souffle, dont les crises accélèrent les effets indésirables, mais aussi de nouvelles visions : passer de la propriété à l’usage ; limiter les intermédiaires et redéfinissant les notions d’entreprise et de consommateur : « […] l’économie collaborative peut être considérée comme la réponse aux impasses du capitalisme pyramidal. »

–          La révolution environnementale, qui fait toujours face à l’antagonisme de gestion « temps court et temps long » et semble laisser de nombreux décideurs préférer l’inertie au changement.

–          La révolution industrielle dont le Big Data est devenu roi, et où la standardisation de masse n’aurait plus sa place et serait remplacée par des slots de production individuelle via des fablabs pourvus d’imprimantes 3D.

Partant de ce constat, intégrer les valeurs de l’ESS dans son quotidien professionnel et personnel revient à faire un pas en avant (ou parfois un pas de côté) pour trouver une alternative au système conventionnel, tout en générant de la valeur et en renforçant les initiatives concrètes et positives existantes.

Cela nous amène aujourd’hui à porter un regard avisé sur le sujet que nous évoquerons en 3 parties dans cet article :

–          Générer du sens et prendre soin du bien commun, avec comme axe de réflexion : “pourquoi les structures de l’ESS se sont montrées plus résilientes économiquement pendant la crise sanitaire ?”

–          Devenir plus résilient face aux crises multidimensionnelles, en apportant des éléments de réponse à la question : “La communication responsable est-elle un vecteur de résilience ?”

–          Communiquer en faveur d’activités favorisant la cohésion sociale, avec comme question : “Comment la communication responsable influence-t-elle les modèles économiques des entreprises ?”

Pourquoi les structures de l’ESS se sont montrées plus résilientes économiquement pendant la crise sanitaire ?

Depuis des dizaines d’années, le mouvement ESS cherche à faire savoir ses savoir-faire ! La résilience de ces modèles alternatifs, intégrant un large panel d’acteurs économiques et institutionnels du territoire, n’est plus à prouver !

La résilience ne se décrète pas : elle se constate

En 2021, les SCOP (Sociétés COopératives et Participatives) et les SCIC (Sociétés Coopératives d’Intérêt Collectif) ont dépassé l’objectif de 70 000 emplois (71 084 emplois, soit +32% comparé à 2017) au sein de près de 4 000 coopératives, selon la Confédération générale des Scop & des Scic, dont l’objectif 2026 est d’atteindre les 100 000 emplois coopératifs.

D’après cet organisme, les SCOP et les SCIC agissent notamment dans les secteurs des Services (49%), de la Construction (13%) de l’Industrie (12%), du Commerce (10%), de l’Éducation (10%)…

Complémentaires, les entreprises « à mission » (loi Pacte 2019) s’adossent à un statut juridique existant – SCOP ou SCIC, par exemple. Elles se fixent leurs propres objectifs sociaux, sans modifier ni la participation à leurs instances ni à leur mode de gouvernance. Il est intéressant d’observer que la coexistence de ces modèles économiques génère de la valeur, dès lors que l’écueil du greenwashing est évité, nous y reviendrons.

Trois des points forts du modèle des entreprises de l’ESS

1.       La SCOP, par exemple, se trouve dans l’obligation de conserver entre 50 et 60% de ses bénéfices et génère des flux monétaires à l’échelle d’un territoire. En termes d’engagement financier, le capital d’une Scop est variable, selon sa forme juridique.

2.       Une entreprise dite de l’ESS représente un dispositif efficace d’insertion professionnelle grâce à un management participatif et intégratif, en plus de son objet qui répond souvent à un besoin local (coopérative, association…). Les entreprises gérées par leurs « salariés sociétaires » contribuent à leur propre bien-être comme à leur performance économique. La durabilité de ces modèles repose entre autres sur le partage équitable des richesses, la sobriété, la transparence…

3.       S’engager dans l’ESS, c’est disposer d’un vivier de compétences engagé et impliqué au cœur de la structure. Par exemple, l’entrepreneur-salarié d’une Coopérative d’Activités et d’Emploi devient sociétaire au fur et à mesure de son parcours dans la CAE. Les bénéfices de l’entreprise sont distribués en trois parts : la première, à l’entreprise (incluant la réserve légale obligatoire) ; la deuxième, pour les salariés ; et la troisième, reversée aux associés (dividendes). Tous les 5 ans, une « révision coopérative » est menée par un commissaire aux comptes, afin de vérifier l’évolution de l’entité.

Mais dans ce monde de l’ESS : quel est le rôle de la communication ?

La communication responsable est-elle un vecteur de résilience ?

Entre 2020 et 2022, nous avons constaté que les structures issues de l’ESS ont souvent mieux « accusé le coup » que leurs consœurs « conventionnelles ». Grâce à la communication responsable ? Oui, en partie !

Comme le souligne l’UDES (Union des Employeurs de l’ESS) dans ses propositions pour un new deal social et écologique, « les entreprises de l’économie sociale et solidaire sont porteuses d’un mode d’entrepreneuriat qui met les Hommes et les Femmes au cœur des projets économiques et de société. Elles promeuvent une économie citoyenne qui prône le partage de la valeur ajoutée comme modèle, puisque les bénéfices sont très majoritairement investis dans le développement des activités et des emplois. »

Ajoutons à cela :

–          La force des récits inspirants des entrepreneurs qui forment ce creuset de coopération,

–          Leur façon de développer leurs activités, avec une intention écologique, sociale et éthique, ancrée localement.

–          La prise en compte des parties prenantes, autant de partenaires clés ou d’acteurs ressources utiles en cas de choc !

Comme nous l’évoquions dans notre livre blanc Yes, pour une comm’ (plus) responsable !, nous considérons que la communication est un « outil de transmission de messages pertinents » et qui « véhicule nos idées pour changer le monde ».

Certes il faut avoir un regard expert pour faire des choix avisés, car imprimés ou numériques, les supports de communication ont un fort impact environnemental. Mais si, initialement, le discours est congruent avec les valeurs portées réellement par les entreprises, nous lâchons les stéréotypes pour entrer dans la sincérité du propos et sa mise en lumière « en transparence ». Nous limitons également la tendance culturelle consistant à pousser à la surconsommation. Nous préférons donner du sens à l’acte d’achat : conscient, qualitatif et durable.

Mais à quoi cela sert d’avoir une communication facilitant la résilience ?

Yes for Comm’ vous apporte quelques pistes de réponses :

Et petit à petit, la tache d’huile s’étend, a des impacts sur la communauté, et plus largement la société. Puis elle influence et finit par faire évoluer les mentalités localement et globalement.

Mais de quelles forces dispose la communication pour appuyer un tel essor ?

Comment la communication responsable influence-t-elle les modèles économiques des entreprises ?

Notre citoyenneté au cœur du processus

Le concept de « sobriété heureuse » de Pierre Rabhi interroge la part de citoyenneté en chacun de nous pour agir concrètement :

–          Associativement : en s’engageant en tant que bénévole localement

–          Économiquement : en choisissant un autre mode de vie, et pourquoi pas des entreprises placées sous le signe de la gouvernance participative

–          Individuellement : en soutenant des projets qui donnent du sens, grâce au crowdfunding ou professionnellement, en s’engageant dans une entreprise à mission…

L’UDES, à nouveau, évoquait dans ses propositions « l’essor d’une nouvelle citoyenneté économique ». Ainsi, le cœur de notre citoyenneté est interrogé à travers les mutations que nous vivons, encore plus en période de crise « socio-climato-économique ».

La communication ne fait pas exception et la quête de sens inhérente à des changements structurels mondiaux ou locaux, nous renvoyant à notre propre responsabilité personnelle et professionnelle. Fort est de constater que la résilience économique va de pair avec la citoyenneté économique, dont l’une des questions phares est : quelle place et quel rôle ont les actionnaires ?

La communication se doit d’être responsable ou ne sera pas !

La communication responsable renvoie au fond (message, discours) et à la forme (supports, canaux). Elle associe d’une part la responsabilité sociale (influençant la société et les humains qui la composent), et la responsabilité environnementale (éco-responsabilité). En fonction des choix opérés sur le plan stratégique, l’impact environnemental ne sera pas le même.

Pour une entreprise : le discours peut précéder l’action, et la réflexion doit précéder le discours ! Cette phase amont est nécessaire. Pourquoi ? Pour la simple et bonne raison que les consom’acteurs choisiront entre la ruée et le boycott.

Vox Populi veille au grain sur les réseaux sociaux, les sites web ou encore les étiquetages de produits. Des feedbacks qui amènent des changements dans les façons de produire, de concevoir ou de communiquer !

Si l’entreprise donne des arguments fallacieux, manipule sa clientèle, use de stéréotypes ou n’a pas correctement défini sa mission : elle s’embarque vers un risque réputationnel qui peut lui coûter cher (dans tous les sens du terme) !

Si elle fait preuve de green ou socialwashing, l’opinion publique saura lui faire remarquer ! Et qui dit bad buzz dit difficulté à commercialiser, à fidéliser… Les conséquences économiques peuvent être très graves. C’est ainsi que des grandes marques très polluantes font des virages à 180 degrés ces dernières années en tâchant également de s’engager concrètement sur le terrain.

Le poids de l’expression citoyenne à travers des canaux numériques y est pour quelque chose, conduisant, par exemple, les grands groupes à réviser complètement la conception d’un produit (avec des matériaux recyclés…), renouveler une gamme de services pour penser en termes d’usage ou de location.

Venant appuyer les nombreux travaux d’organismes tels que l’ARPP, le CSA ou l’AACC, la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC) a également poussé le Gouvernement à adopter une loi Climat et Résilience en août 2021, visant à encadrer les abus liés au greenwashing. Il est ainsi reconnu comme une « pratique commerciale trompeuse » et est sanctionnée, sur le plan financier comme réputationnel.

En ce sens, en tant qu’acteur engagé pour la communication responsable, nous soulignons le potentiel de ce que nous qualifions le « discours performatif ». Il permet d’envisager des objectifs éco-responsables « par les mots » et de les atteindre très concrètement « dans les faits » !

Ainsi, la cohérence gagne directement le cœur de l’entreprise et ses équipes, puis ses parties prenantes (partenaires, clients…) dont elle peut finir par influencer les usages, les faisant évoluer en bonnes pratiques.

Selon Yes for Comm’, une entreprise qui opte pour une communication responsable :

·       Dispose d’une communication adaptée à ses besoins et à ses objectifs. Rationaliser ou réguler les messages fait à présent partie intégrante d’une façon responsable de communiquer, en limitant l’impact budgétaire et environnemental. Cela n’empêche pas de répondre aux impondérables du métier : faire connaître sa marque et ses produits, faire adhérer, faire aimer, faire agir le plus grand nombre en devenant vecteur d’actions positives.

·       Joue la carte de la transparence, sans chercher ni à tricher, ni à peindre sa devanture en vert, mais bien à aligner sa proposition de valeur avec son discours pour maîtriser son risque réputationnel.

·       Est prête à entendre les critiques constructives et à assumer ses actes.

·       Cherche aussi à « se développer en dépit de l’adversité » (Boris Cyrulnik), c’est-à-dire en réconciliant performance économique et valeurs humaines, en restant sincère dans sa démarche et en misant sur la force de son écosystème.

·       Gagne en profondeur grâce à une vision réfléchie, consciente et incarnée.

Depuis la crise COVID, au-delà d’un ancrage territorial marqué et d’un investissement des parties prenantes, l’ESS répond souvent aux exigences économiques liées à la relocalisation, permettant de faire revivre des bassins d’emplois régionaux. Il apparaît également que la diversité des modèles économiques coopératifs et la force de leurs écosystèmes, ainsi que les actions citoyennes engagées et soutenues par des lois de plus en plus exigeantes forment un socle solide pour faire bouger les lignes. Au cœur de cet univers, la communication responsable influence les modèles économiques des entreprises grâce à la force du discours performatif interne et externe, sans tomber dans les écueils du greenwashing. En cela, elle joue un rôle tangible dans le phénomène de résilience vécu par les entreprises de l’ESS.


[1] [https://www.vie-publique.fr/eclairage/273129-less-economie-sociale-et-solidaire-un-modele-economique-alternatif]