Mode responsable : le défi de cohérence et de transparence des marques
Associée au vêtements mais aussi aux accessoires, parfums et cosmétiques, l’histoire de la mode commence en France véritablement au XIXᵉ siècle par les défilés du créateur Charles Frederick Worth dans de prestigieux salons parisiens. ¹
La réflexion sur la mode « responsable », a été accélérée en 2013, suite à l’effondrement de l’usine textile Rana Plaza au Bangladesh. Également en réponse au rythme effréné de la « fast fashion » ces dernières années, qui engendre des conséquences néfastes voire catastrophiques au niveau social et environnemental.
Qu’est-ce que la mode responsable ? à quels défis les marques doivent-elles répondre aujourd’hui ?
Une pluralité d’appellations et de labels
La « mode responsable » reste un principe confus pour les consommateurs, par la pluralité d’appellations et de labels existants. Celle-ci regroupe :
- La « mode durable » : en opposition à la « mode éphémère », elle répond aux besoins de chacun en évitant de gaspiller les ressources, en permettant de s’adapter au changement climatique et en veillant à ce que les futures générations puissent en faire autant.
- La « mode éthique »: s’interroge sur la provenance des produits, leur élaboration, les moyens mis en œuvre pour leur transformation, leur distribution, les conditions dans lesquelles chacune de ces étapes ont été réalisées. Elle prend en compte les conditions de travail, les aspects sociaux et environnementaux, sur l’ensemble de la chaîne de valeur.
- La « slow fashion », « slow wear » ou « mode raisonnée »: vise à consommer moins, plus intelligemment, des produits de meilleure qualité en vue de les conserver plus longtemps, ou des produits de seconde main, en rupture avec le rythme frénétique de la « fast fashion ». ²
Parmi les labels existants, on peut retrouver :
- « Fair Wear Foundation» : il concerne le respect et la défense des droits des travailleurs, comme le choix et le libre exercice du travail, l’abolition des discriminations, l’interdiction du travail des enfants.
- « GOTS» : le « Global Organic Textile Standard » est la référence mondiale en termes d’évaluation des fibres biologiques.
- « PETA» : signifie « Pour une Éthique dans le Traitement des Animaux ». Les produits déclarés PETA ne doivent contenir aucune matière animale comme la fourrure, le cuir, la soie, le duvet ou la laine.
- « Origine France Garantie» : il valorise les savoir-faire industriels, artisanaux français, les entreprises qui produisent sur le territoire et développe les filières productives dans le pays. ³
De quels enjeux parle-t-on ?
Il existe trois grands enjeux pour lesquels les marques, mais aussi les associations, les ONG et les consommateurs s’engagent. Ils définissent le socle de la mode responsable :
- La défense des droits humains au travail : notamment des travailleurs à l’étranger, situés au Bangladesh, en Inde, en Chine ou encore en Éthiopie. La réflexion sur les droits humains au travail dans le secteur de la mode a malheureusement pris un tournant médiatique en avril 2013, avec l’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh. Plus de 1100 travailleurs-ses ont trouvé la mort et près de 2000 ont été blessés. Évacués d’urgence la veille, pour cause de fissures dans les piliers du bâtiment, ils avaient été contraints de regagner leurs postes de travail le jour de la catastrophe.
Des associations, comme le Collectif Éthique sur l’étiquette, se mobilisent encore aujourd’hui chaque jour, en collaboration avec des organisations de défense des droits humains locales, des organisations internationales et des citoyens, pour le respect et la défense de ces droits. Suite à leurs actions de plaidoyer après la catastrophe du Rana Plaza, une loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre a été adoptée en France le 21 février 2017. ⁴
- La protection de l’environnement, du climat et de la biodiversité : cet enjeu est un vaste sujet, parmi lequel on retrouve principalement :
- La réduction de l’empreinte carbone liée à la production et à l’acheminement des produits. Selon l’Ademe, la mode émet 1,2 milliard de tonnes de gaz à effet de serre chaque année. Son impact est plus important que les vols internationaux et le trafic maritime réunis. ⁵
- La production et l’utilisation raisonnée des matières premières : pour obtenir la matière première, des animaux sont élevés (matières animales), des plantes sont cultivées (matières naturelles), des procédés chimiques sont appliqués (matières synthétiques, artificielles) et des matières premières secondaires sont utilisées (matières recyclées, pouvant être produites par des procédés mécaniques ou chimiques). L’enjeu est de privilégier des matières naturelles, cultivées de manière raisonnée.
- La défense d’une agriculture biologique : supprimer les OGM, les produits chimiques comme les pesticides ou les dérivés du pétrole pour la culture des matières premières naturelles.
- La protection des animaux : dans certains pays des animaux sont élevés pour l’industrie du textile, du cuir et de la fourrure. Ils vivent le plus souvent dans des conditions difficiles, dans de petits espaces, sous-alimentés. ⁶ L’enjeu est de réduire les matières animales dans la production et de protéger le bien-être des animaux.
- La consommation locale et le « Made in France » : la mode locale soutient des savoir-faire parfois en voie d’extinction, assure la création de valeur et d’emplois locaux. Elle favorise un patrimoine local ainsi que les matières naturelles présentes sur le territoire, comme le lin et le chanvre en France. Le fait de consommer local permet également de réduire l’impact carbone lié au transport. C’est aussi une manière de créer un lien de proximité avec des créateurs locaux. Néanmoins, la question de l’origine est à nuancer car certaines marques produisent à l’étranger afin de privilégier des savoir-faire traditionnels.
Marques et mode responsable : quels défis ?
Face à ces enjeux, les marques doivent aujourd’hui répondre à des défis de cohérence mais aussi de transparence : prendre leurs responsabilités d’une manière globale, aussi bien sociales qu’environnementales. Il est difficile d’imaginer une mode responsable, durable sans la partie éthique ou inversement. Ce défi de cohérence, s’oppose alors aux pratiques de greenwashing ou de socialwashing, qui font de plus en plus l’objet de dénonciations et de sensibilisations auprès du grand public.
Aujourd’hui plusieurs marques responsables font preuve d’une grande transparence mais également d’autocritique et de remise en question, en communiquant ouvertement sur leurs limites auprès des consommateurs :
C’est le cas de VEJA qui a publié les limites de la marque sur son site internet. Les fondateurs « conscients qu’il existe de nombreuses limites au cœur même du projet » questionnent le principe même de la mode : « bien que nous soyons fiers de nos baskets et de la manière dont nous les fabriquons, nous nous posons des questions. A-t-on vraiment besoin d’acheter autant de paires de chaussures ? Nous sommes bien conscients que notre produit fait partie de ce qu’on appelle “la mode”, mais est-il vraiment nécessaire de pratiquer un tel fétichisme ? D’avoir toujours le dernier modèle ? »
Dans le même sens, Panafrica inclut dans son manifeste les limites de la marque. On retrouve notamment sa remise en question sur l’utilisation du cuir : « Nous utilisons du cuir pour la fabrication de certains modèles Panafrica. Nous sommes conscients de l’impact environnemental (lié notamment à l’utilisation de teintures chimiques) et des problèmes éthiques que cela pose. Nous utilisons aujourd’hui un cuir au tannage semi végétal (low chrome). Nous avons également amorcé une réflexion pour utiliser du cuir végétal en remplacement du cuir animal. »
La marque Le Slip Français, partage quant à elle ses « matières à réflexion » : « Comme vous le savez, il n’y a pas de champ de coton en France. Nos approvisionnements en coton viennent principalement d’Égypte et des États-Unis ». Avant de préciser : « nous cherchons à innover dans notre métier avec d’autres matières qui pourraient remplacer le coton conventionnel. »
Alors que les consommateurs sont nombreux à se soucier des enjeux de la mode responsable, beaucoup d’entre eux n’ont pas encore suffisamment connaissance des conditions dans lesquelles sont fabriqués leurs vêtements. Des labels comme SloWeAre ou l’application Viji, s’engagent dans ce défi d’information et de sensibilisation. La transformation des marques et des consommateurs vers la mode responsable est un vaste sujet, en mouvement depuis plus de 10 ans, grâce au travail des associations, des marques, des citoyens. Dans ce domaine où les acteurs s’inspirent les uns des autres, le changement de quelques-uns peut être une impulsion pour impacter toute la filière.
Vous voulez communiquer sur votre marque de mode responsable ? Nous pouvons vous accompagner, contactez-nous !
Sources
¹ Le site portaildelamode.com présente l’histoire de la mode
² L’article de sloweare.com donne ces trois définitions
³ Le site wedressfair.fr présente ces labels
⁴ Le site du Collectif Éthique sur l’étiquette donne ces informations
⁵ et ⁶ L’étude de l’Ademe « Le revers de mon look » donne ces informations