L’ESS au service de la société : quand l’entrepreneuriat social prend toute sa place

Face aux défaillances constatées des pouvoirs publics et des entreprises sur certaines thématiques sociales comme l’inclusion, l’emploi ou l’environnement, des entrepreneurs ont décidé de ne pas céder au fatalisme ambiant et d’innover en inventant de nouvelles solutions pour répondre aux défis du 21e siècle.

Possible phénomène de société mais qui a tous les atouts pour changer le monde en profondeur, l’entrepreneuriat social et l’économie sociale et solidaire (ESS) s’imposent. Que l’on parle aujourd’hui de porteurs de “projet à impact” ou d’entrepreneurs sociaux, l’entrepreneuriat social est à la mode et apporte avec lui une bonne dose de positivité.

Mais qu’est-ce que l’entrepreneuriat social au juste ? Quelles missions et quelles réalités?

Cet article a été écrit pour le e-magazine « Du livre et des affaires » printemps-été 2019 du Club de lecture Affaires

Déconstruire les codes d’hier

Un des plus grands bienfaits de l’entrepreneuriat social est de déconstruire l’opposition public / privé et profit / non-lucrativité. Enfin, il est possible de concevoir faire du business de façon éthique en cassant les codes et les normes !

A cheval entre l’association et l’entreprise, l’entrepreneuriat social se donne pour mission une finalité d’intérêt général tout en revendiquant une nécessaire rentabilité financière. Elle redessine ainsi les contours de la lucrativité en sortant de la dichotomie profit/exploitation et bénévolat/bien commun. De même, un point intéressant à souligner est certainement sa volonté de réinventer le service public en innovant souvent par la technologie et le numérique.

Ce secteur très dynamique, si l’on considère le nombre d’incubateurs ESS créés ces dernières années, recouvre une multitude de réalités juridiques, économiques et sectorielles.

Certaines entreprises sociales combinent une société et une association, d’autres se sont montées en coopératives avec une lucrativité limitée, l’obligation de redistribuer et de réinvestir les bénéfices, ainsi qu’un principe de gouvernance collective.

Une reconnaissance juridique de l’utilité sociale des entreprises a été créée par la loi ESS de juillet 2014 et l’agrément ESUS.

Au niveau des secteurs d’activité, on retrouve les milieux technologiques dits “Tech for good” (technologie pour le bien commun) qui se concentrent particulièrement sur le développement de solutions logicielles ; d’autres milieux qui créent de nouveaux produits matériels pour changer la vie de leur concitoyens (ce que l’on appellerait “hardware”); et les mouvements de la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) et Qualité de Vie au Travail (QVT) qui s’intéressent au management, aux RH et aux nouveaux modes de gestion de l’entreprise. Les questions d’économie circulaire et environnementales tiennent également une bonne place dans l’entrepreneuriat social. La volonté est toujours la même quelque soit le secteur : ré-inventer voire ré-enchanter le monde de demain où chacun pourra trouver sa place.

Co-construire la société de demain

L’entrepreneuriat social est un mouvement de société puissant qui veut mettre au centre les acteurs du positif et de l’innovation sociale. L’ESS nous montre qu’il est possible d’arrêter de cloisonner pouvoirs publics et citoyens, et de consacrer son énergie à la résolution des problèmes sociaux et environnementaux globaux. L’innovation sociale 1 promue par l’ESS a pour ambition de co-créer les politiques du futur.

L’exemple emblématique de cette co-construction est le modèle du “hackathon” : contraction de “hack” et “marathon”. Ces événements généralement tournés vers le numérique regroupent des experts, développeurs informatiques, chefs de projets, designers, communicants, grands groupes, écoles, qui travaillent ensemble sur une période courte et déterminée afin de trouver une solution concrète à une problématique sociale donnée (“comment réduire le chômage ?”, “comment rendre les services publics plus accessibles ?”, etc). C’est un processus créatif de plus en plus utilisé et qui porte ses fruits !

Beaucoup d’entreprises et d’initiatives pourraient être données en exemple. J’en ai choisi quatre différentes qu’il me semble intéressantes d’évoquer ici.

La première est Bayes Impact qui a fait parler d’elle dans les médias. Bayes Impact est une ONG dans sa forme juridique mais son fonctionnement est bien celui d’une start-up technologique. La mission qu’elle s’est donnée est de mettre l’intelligence artificielle au service de l’intérêt général et notamment de la création d’un “service public citoyen”. L’assistant virtuel à la recherche d’emploi, Bob, créé de toute pièce par Bayes Impact pour les demandeurs d’emploi en collaboration avec Pôle Emploi, a permis d’accompagner 170 000 personnes vers le retour à l’emploi.

La société Phenix est une start-up qui a pour objectif de réduire le gaspillage alimentaire en valorisant les déchets. Elle optimise les flux grâce à une plateforme digitale : les flux de collecte, de redistribution, de transformation des invendus alimentaires, en collaboration avec les entreprises et les associations pour lutter contre l’insécurité alimentaire et la faim. Pour preuve qu’une entreprise sociale ne s’oppose pas à la logique économique, en fort développement, Phenix a aujourd’hui 110 salariés et a réalisé une levée de fonds de 15 millions d’euros en 2018, une des plus importantes levées de start-up sociale. Son business model est celui de l’économie circulaire où rien se perd mais tout se transforme !

Agilcare est un acteur de la construction durable. Grâce à un procédé constructif innovant, Agilcare propose des bâtiments en bois renouvelables, démontables, remontables, transformables sans impact écologique ! Leur vision d’une économie de la fonctionnalité valorise les espaces abandonnés comme les friches industrielles, et permet aux plus démunis d’accéder au logement, temporaire ou permanent, dans des conditions de confort et environnementales optimales. En résumé, Agilcare, lauréat de la France S’Engage, construit la ville durable de demain en innovant. Cette structure en pleine croissance prépare actuellement son changement d’échelle !

Un autre exemple que j’aimerais donner, est celui de la start-up Exonéo qui a développé un pied prothétique à coût abordable pour les pays émergents. C’est véritablement une très belle aventure humaine qui les amène à une forme de solidarité internationale fondée sur l’innovation technologique, tout en restant une entreprise avec un objectif de rentabilité. Leur approche originale et éthique en a fait les lauréats de la bourse French Tech en 2018, ce qui souligne leur potentiel de développement. En effet, bien qu’ils s’adressent à des marchés émergents pour le moment, l’équipe d’Exonéo a conservé l’exigence du confort et de la praticité pour le bénéficiaire avec un pied prothétique ingénieusement conçu pour minimiser les coûts de production.

Nous avons survolé le vaste monde de l’entrepreneuriat social et ses implications dans le changement vers une société plus juste et solidaire. J’espère vous avoir donné envie de vous intéresser aux entreprises de l’ESS et aux projets à impact social qu’elles portent ! De belles initiatives sont déjà nées de tels projets, et d’autres sont encore à venir. Il est même aujourd’hui possible de participer à leur financement et leur développement en tant que particuliers grâce à des plateformes comme LITA.co. Nous avons désormais en chacun de nous la possibilité de devenir acteurs du monde de demain !

1Avise donne cette définition : L’innovation sociale consiste à élaborer des réponses nouvelles à des besoins sociaux nouveaux ou mal satisfaits dans les conditions actuelles du marché et des politiques sociales, en impliquant la participation et la coopération des acteurs concernés, notamment des utilisateurs et usagers.